"(En)quête spirituelle"
Exposition du 14 octobre au 18 novembre 2017

 

 

« (En)quête spirituelle, Philippe Lagautrière à la galerie Corinne Bonnet » par Pierre-François Moreau * (Oct. 2017)

 

"Philippe Lagautrière est entré en métaphysique, rassurons-nous, ça ne date pas d’hier. Sa recherche reste tout à fait rationnelle, à base d’acrylique, d’encre, de crayons, de pastel, de tampons, de technique mixte…, avec pour objet la connaissance de l’être absolu, jusqu’à ne plus juger sainement le réel. On peut y percevoir un abus de considérations abstraites, sauf que c’est justement dans cet excès que ça passe.

 

Petite revue d’introspections de ses dernières années de peinture à la galerie Corinne Bonnet : 2013, Etre ange ? Là, je crois que c’est clair, no comment. 2015, Genèse, ainsi que Au-delà, l’atlas des visionnaires, une exposition collective sur la proposition d’Olivia Clavel, qui concernait le départ en fanfare vers un retour au néant, on est prié de ne pas se tromper d’itinéraire ; 2016, l’Origine du monde, exposition collective sur sa proposition autour du célèbre tableau de Gustave Courbet, je ne détaille pas la part en bourrelet libidinal de cette affaire, on sait de quoi il s’agit ; 2017, La Bibliothèque de Babylone, exposition collective sur la proposition de Pacôme Thiellement, pour laquelle dix-huit artistes étaient invités à illustrer dix-huit couvertures de dix-huit livres rêvés mais non achevés, détruits ou disparus. Philippe Lagautrière se colletait celle de René Guénon, Les conditions de l’existence corporelle, une étude cosmologique des cinq conditions à l’ensemble desquelles est soumise ladite existence corporelle. On l’aura compris, comme la Guerre de Troie de Giraudoux, ces Conditions n’auront pas lieu. Quant à Rétroviseur, 1986-2016, Philippe Lagautrière y condensait trente années de peinture en forme d’explosion de son expérience sensible.

 

(En)quête spirituelle remet la métaphysique à l’ouvrage.

À affirmer que notre Montreur d’images y trouve un supplément d’âme, je ne m’y aventurerais pas, mais un supplément d’inspiration, sûrement.

Pour une présentation, comme il faut par devoir prendre des raccourcis, je dirai, Philippe Lagautrière s’ingénie, et depuis longtemps, à une représentation personnelle du réel mais tendance métaphysico-sarcastique. J’entends par là que si la métaphysique désigne, selon la définition réglementaire, la connaissance du monde, des choses, des processus en tant qu'ils existent au-delà et indépendamment de l’expérience sensible que nous en avons, celle de Philippe Lagautrière atomise un peu tout ça, éparpille façon puzzle, disperse, ventile. C’est là, la part sarcastique.

 

Facile ? Non. Parce qu’a contrario de ce mouvement d’explosion, il inverse les polarités, concentre les figures, les matières, les styles, associe à la fulgurance spontanée du trait, l’abstraction du coloriste rompu et l’emploi méthodique, pour ne pas dire bénédictin, du tamponnage, du dessin en ligne claire.

 

À jouer de ces décalages, Philippe Lagautrière compose une œuvre à la fois sophistiquément lyrique et expressément spontanée, tout un baroud de formes et de coq-à-l’âne, de drôlerie et d’absurde, de couleurs franches et de nuances de teintes. Si la surcharge crée la stupeur, le kaléïdoscope confère à l’apaisement.

 

(En)quête sprituelle présente donc des peintures sur toile de grands et petits formats, une série de figures au tampon sur fond zinzin, des peintures numériques, des dessins aux crayons de couleur, ou noir, des cartons découpés. Une quête multi-supports, unilatérale et équivoque.

 

On a présentement là toute la revue d’effectifs du savoir-faire du peintre, mais aussi une quête, spirituelle comme certains esprits le sont. C’est-à-dire, drôle, coquin, amusant, comique, plaisant, bizarre, curieux, étonnant, étrange, singulier, surprenant, rocambolesque… Bref, joyeux, comme le gai savoir."

 

 

 

* Pierre-François Moreau est écrivain, scénariste. Il a été journaliste, chroniqueur d’art, il a publié en 2017, La Soif, roman noir, aux Éditions La Manufacture des Livres.