du 6 décembre 2013 au 18 janvier 2014

Texte de Philippe Lagautrière pour l'exposition (décembre 2013)

 « Au chapitre précédent, il était question d’une transmutation de statuts de l’état d’artiste à celui de « montreur d’images ». L’évolution ayant été réalisée sans périple, nous voici confrontés à une nouvelle étape. Je dois vous avouer que mon intérêt pour les Anges remonte à loin, mais il fut amplifié en plusieurs points. Tout d’abord, celui qui saute aux yeux : l’Ange qui se tient assis à l’entrée de la galerie Corinne Bonnet, nous accueille et apporte d’emblée un sentiment rassurant,semblant démontrer, avant de franchir le seuil de la porte, qu’ici, vous êtes sous protection.

 

Deuxio : je fus attiré maintes fois en l’église Saint Sulpice pour y admirer la fresque de Delacroix, « La lutte de Jacob avec l’Ange ». Cette image est restée gravée dans ma rétine et m’a largement obsédée, au point d’en réaliser ma propre version. Mais aussi, en me promenant à Barcelone, j’ai constaté que cette ville comportait dans chaque quartier, des représentations d’Anges, sous toutes ses formes, mais c’est aussi le cas dans bien des villes du monde entier.

 

Depuis, de là à voir des anges partout, il n’y avait qu’un pas, vite franchi. Cette douce obsession (il existe des sujets d’intérêts bien pire !) m’inspira et me fit coller des ailes un peu partout sur mes personnages, mais aussi les inclure dans mes images foisonnantes, avec toujours le souci d’un sens précis.

 

Par définition, l’Ange est un« « messager » de la forme divine, portant bienfaits ou fléaux à l’être humain. Mais généralement, chaque personne vivante est liée à son ange gardien qui la veille et la protège, bien que, à la différence de l’homme, il ne possède pas de « libre-arbitre ». L’Ange transmet donc un message,que nous recevons consciemment ou pas. En tant que « montreur d’images », je transmets aussi au public un message, reçu ou pas. Ici, il est question de rapports entre les êtres humains, d’étapes, de joies et de souffrances,comme je l’ai toujours pratiqué dans mes œuvres.

 

Dans la deuxième partie de l’exposition, il est question de nuages. Nous levons donc la tête à nouveau vers les cieux, mais pour y découvrir une vision un peu plus légère. Il suffit de retrouver son âme d’enfant, à l’époque où l’on voyait des images apparaître furtivement dans cette cotonnade blanche et grise. Qui n’a vu des silhouettes ou des visages se dessiner, parfois un animal, coincé pour quelques instants sur fond bleuté ? J’ai photographié des centaines de fois ces nuages, puis suis venu y plaquer mes personnages dans des situations insolites.

 

Ainsi, lorsque vous quitterez la salle d’exposition, vous partirez la tête dans les nuages en murmurant « mon Ange » à votre conjoint(e)…

 

P.S : Le titre de l’exposition est emprunté (ou empreinté) à un poème de Jacques Prévert paru dans « Fatras », publié en 1966. »

 

 

Être Ange c’est étrange

 

Être Ange

C’est étrange

Dit l’Ange

Être Âne

C’est étrâne

Dit l’Âne

Cela ne veut rien dire

Dit l’Ange en haussant les ailes

Pourtant

Si étrange veut dire quelque chose

êtrâne est plus étrange qu’étrange

dit l’Âne

Étrange est !

Dit l’Ange en tapant du pied

Étranger vous-même

Dit l’Âne

Et il s’envole.

 

Jacques Prévert – Recueil « Fatras »