Variations labyrinthiques
Exposition du 7 janvier au 4 février 2017

 

 

Vernissage de "Variations labyrinthiques", première exposition de France de Ranchin à la galerie Corinne Bonnet, samedi 7 janvier 2017 de 15h à 19h, puis exposition jusqu'au 4 février 2017 / Private viewing of "labyrinthine variations", first exhibition of France de Ranchin at the Galerie Corinne Bonnet, saturday, january 7, from 3 to 5 p.m, exhibition until february 4 2017

 

 

Abstract :

Born in 1944, France de Ranchin works and lives in Paris. She studied at the fine arts school of Aix-en-Provence, and then created the department of infography at the newspaper Libération. She was involved in a lot of group exhibitions and also did a lot on her own.

In this exhibition, the work of France de Ranchin is based on an abstract art, the use of colors that she creates herself. She plays with it and differents types of geometrical forms to create a process who encourages the viewers to enter more deeply inside the painting through the labyrinth.

France de Ranchin stands with the idea that the labyrinths are a metaphor of life. There is a playful dimension in her work, which is deliberated. She invites us to play with every forms and colors (way in/ way out). We have to find the way out to find our own path.

 

 

Texte de Ange-Dominique Bouzet pour l'exposition :

 

"Les tableaux de France de Ranchin sont des labyrinthes. Le voyez-vous ? N'y cherchez pas les cornes du minotaure, le glaive de Thésée ou les voiles d'Ariane. L'harmonieuse polychromie de ses toiles ne se nourrit que de géométrie abstraite. Mais se traverse toujours  d'une brèche filée, mutante et "circonvulante",  dont l'entrée et la sortie, flèchées, percent immuablement l'occlusion des  formes. Leur immobilité est un leurre, purement musical.


Je l'ai rencontrée dans un ascenseur, à Libération, il y a longtemps. France apparaissait Immédiatement singulière:   Un grand sourire encadré par deux courtes nattes de cheveux de lune, et des yeux mordorés sous des paupières d'un bleu trop lagon pour être cosmétiquement correct. Plus que tout le reste, c'est la malice et la chaleur du sourire qui saisissaient. Rien n'a beaucoup changé.


Elle est du sud. Terre de brunes. Les cheveux blancs lui sont poussés dès l'enfance. Si précocement que, à la messe, les religieuses scrutaient sa nuque bicolore  avec la même inquiétude, à rebours, que les inquisiteurs du moyen-âge auscultant le poil des chats noirs avant de les jeter au bûcher.

 

Car elle est d'une famille à particule, ancrée dans le midi, où l'on ne roulait plus sur l'or, mais où l'on continuait à envoyer les filles en pension chez les bonnes soeurs et à vouvoyer ses parents.

 

À dix huit ans, irrémédiablement rétive à l'enseignement des Maristes et asphyxiée par le carcan familial, elle s'évade vers les Beaux-Arts d'Aix-en-Provence. Prélude à la conquête, éblouissante, de la liberté. Bientôt, sa route va y croiser un jeune Alsacien, Jean Seisser, lui même engagé dans le cursus supérieur. Le pas de deux qu'elle entame alors avec lui dure encore aujourd'hui.

 

 Ils s'épanouiront dans les effervescences soixant-huitardes. En 1970, ils participent, à Strasbourg, à une exposition fondatrice, qui, au nom de l'explosion des tabous, proclame hardiment l'abolition des hiérarchies convenues et les noces chahuteuses de toutes les disciplines artistiques et para-artistiques. Elle scelle leur rencontre avec Harlin Quist et François Ruy-Vidal, éditeurs phares de la révolution des albums de  jeunesse. En naîtra un livre  aujourd'hui introuvable: "L'Hyper labyrinthe", primé en 1974 par le New York Times et aussitôt accueilli à la librairie du Moma.

 

France y a affiché les choix déterminants d'une carrière qui commence.

 

De ses apprentissages aux Beaux Arts elle a retiré la conviction que ses dons la vouent au dessin abstrait plutôt que figuratif. La  maitrise de la couleur, qu'on lui croirait consubstantielle, lui a été une ascèse, plus difficile, inventée au travers de gammes obstinées.

 

Abstraction, géométrie, couleur... à 26 ans, elle tient sa voie. Ou presque. Reste à faire bouillir la marmite. Sur les conseils de François Ruy-Vidal, elle frappe à la porte de Bayard Presse et de nombreux autres titres pour y proposer des tableaux-jeux. Le job lui permet  de préserver sa liberté créatrice en se contentant d' instiller une forme de lisibilité ludique à ses œuvres.  Et la structure ludique la plus féconde, elle ne tarde pas à s'en rendre compte, est celle du labyrinthe.

 

On y est.

 

Pas trop soucieuse, par instinct libertaire et conviction anti-élitiste, de démarcher les galeries, France de Ranchin affûtera ses peintures en courant la pige, de titres en titres (expédiant les réalisations trop alimentaire sous le pseudonyme de "Cémasœur"). En 1984, elle intègre même Libération, attirée par le défi d'y monter le service infographique. Entrée pour six mois... elle y reste onze ans.

 

En 1995, fin des intermèdes journalistiques. Elle tourne la page pour se recentrer sur ses projets  personnels. Désormais elle ne se veut plus que "labyrinthiste". Dans toutes les dimensions plastiques et architecturales du terme : elle conçoit des éléments décoratifs, (garde-fous de fenêtre , panneaux de marqueterie de nacre), dessine  des labyrinthes végétaux  ("Labyrinthus" de maïs, en 1997, à Régniac sur Indre, labyrinthe de jardin au château de Chamarande, etc...), crée des pavements  (Bd Victor Hugo à Saint-Ouen ), des revêtements de sol (cours d'école de Paris et de banlieue), imagine des panneaux décoratifs en pierre et en verre sablés (Villa Saint-Ange à Paris) comme des carreaux de ciment à combinaison multiples (Cimenterie de la Tour à Lavérune).  Etc….

 

L'évolution de sa peinture, parallèlement, privilégie de plus en plus l'abstraction pure, tout en restant fidèle à ses fondamentaux: à plats de couleur simple, imbrications géométriques, netteté chromatique.

 

Ce vocabulaire l'apparente à Sol LeWitt . Il l'inscrit, aussi,  dans la filiation des Delaunay, dont elle renouvelle l'exubérance polychromique , avec moins d'élan giratoire et plus d'intrications architecturales.

 

Chez France de Ranchin, l'articulation des plans est avant tout un équilibre, qui ne vise pas tant à entraîner l'oeil dans une dynamique évidente, qu'à l'aspirer peu à peu dans la trame d'une recherche mentale sous-jacente. Ses tableaux sont des paysages spirituels, construits autour d'une énigme et des aléas d'un cheminement allégorique : la quête existentielle d'une issue.

 

Du labyrinthe, figure de style imposée, rencontrée presque par accident, elle a incorporé la symbolique jusqu'à l'ériger en profession de foi philosophique.

 

Labyrinthiste elle est, donc. Définitivement. Autant qu'Oulipienne, en ce sens, de la couleur et des rythmes graphiques. Sur la grille de ses toiles, son pinceau recompose, constamment, la partition chromatique qui orchestre la pavane de nos jours." 

 

Ange-Dominique  Bouzet (décembre 2016)

Ange-Dominique Bouzet est ancienne journaliste au service Culture de Libération